L'IA au service des sauveteurs en mer

L’IA au service des sauveteurs en mer

Neptune est un système d’intelligence artificielle temps réel conçu pour détecter les signes précoces de noyade sur les plages. Pensé par d’anciens sauveteurs et développé par une équipe d’étudiants passionnés, Neptune combine computer vision, détection d’immersions prolongées, cartographie 2D et alertes sonores pour assister les sauveteurs dans leur mission vitale.

Dans cet article, nous revenons sur la genèse de Neptune, ses technologies clés, et ses avancements futurs.

L'IA au service des sauveteurs en mer
Interface Neptune en fonctionnement – Visualisation des baigneurs détectés et mini-carte en temps réel

Pourquoi Neptune ?

Chaque année, des milliers de noyades surviennent dans des zones surveillées. Malgré la vigilance des sauveteurs, les conditions de surveillance (multitude de baigneurs, reflets du soleil, distractions) peuvent rendre l’identification d’un danger difficile. De plus, il reste très compliqué pour un être humain de rester alerte pendant 8h de suite.

L’idée de Neptune est née d’un constat simple : juste avant une noyade, la plupart des personnes montrent un comportement typique. Elles coulent puis remontent plusieurs fois d’affilée, tout en agitant les bras de façon désorganisée, un schéma connu sous le nom de « mouvement du bouchon ».

En utilisant l’intelligence artificielle pour détecter ces signaux précoces, Neptune permet de déclencher une alerte avant qu’il ne soit trop tard.

Une IA entraînée pour voir la mer autrement

Le système Neptune repose sur trois modules principaux :

  • NHD (Neptune Human Detection) : un modèle basé sur D-FINE, finement ajusté pour reconnaître les personnes dans l’eau, y compris partiellement immergées ou éloignées.
  • NWSD (Neptune Water Surface Detection) : un modèle de segmentation open-source qui segmente précisément la surface de la mer, même sous des conditions de lumière changeantes.
  • NDD (Neptune Drowning Detection) : ce module utilise un algorithme développé en interne pour suivre chaque personne détectée, surveiller les phases d’immersion, et déclencher une alerte si une disparition sous l’eau dépasse un seuil critique.

Les résultats sont ensuite projetés sur une carte 2D homographique, permettant aux sauveteurs de localiser rapidement les incidents.

Neptune Human Detection (NHD)

Détecter des personnes en mer est un défi technique majeur. La taille réduite des baigneurs, leur immersion partielle, la distance et les reflets rendent la tâche complexe.

Pour y répondre, le module NHD a d’abord été construit autour de YOLOv11, un modèle réputé pour sa rapidité. Mais les premiers essais ont mis en lumière ses limites : entraîné sur des environnements urbains, YOLOv11 avait du mal à repérer les silhouettes éloignées et partiellement immergées.

L’équipe Neptune a alors constitué un dataset sur mesure, composé d’images de plage capturées dans des conditions variées : distances, angles de vue, luminosité. Un fine-tuning de YOLOv11 a été réalisé sur ce dataset, ce qui a permis d’améliorer significativement la détection dans les scènes aquatiques.

Mais en mars 2025, un nouveau modèle est identifié : D-FINE, récemment publié en open source. Spécialisé dans la détection d’objets, D-FINE montre rapidement de meilleurs résultats que le YOLOv11 ajusté, notamment dans des contextes visuels complexes.

Après plusieurs séries de tests comparatifs, le module NHD migre vers D-FINE, devenu le moteur principal de détection de personnes dans Neptune.

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YOLOv11 manque plusieurs individus, en particulier dans la zone aquatique.
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D-FINE détecte nettement plus de baigneurs, même partiellement immergés ou éloignés

Neptune Water Surface Detection (NWSD)

Dans un environnement aussi dynamique que la mer, il est essentiel de différencier clairement les zones aquatiques du reste de la scène. Le module NWSD a été conçu pour segmenter en temps réel la surface de l’eau, même dans des conditions de lumière changeantes ou de mer agitée.

Cette détection précise du plan d’eau joue un rôle fondamental dans le système Neptune : elle permet non seulement de filtrer les fausses alertes provenant de mouvements sur la plage, mais surtout de délimiter les zones de danger pour les autres modules.

Pour entraîner ce module, l’équipe a utilisé un dataset fait maison d’images côtières capturées sous différentes conditions météorologiques, à divers moments de la journée.

Lien vers le GitHub du modèle NWSD : https://github.com/Ehlum-Lucas/NWSD

Exemples d’utilisation :

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Délimitation précise de la ligne d’eau par NWSD. Le module détecte automatiquement la transition plage/mer malgré les reflets et variations du sable.
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La surface de l’eau est correctement segmentée, même avec des obstacles ou une luminosité complexe. La présence d’une île en arrière-plan ne perturbe pas l’analyse.

Neptune Drowning Detection (NDD)

Le module Neptune Drowning Detection (NDD) est au cœur du système d’alerte de Neptune. Son objectif : identifier en temps réel les situations de détresse, et déclencher une alerte avant qu’il ne soit trop tard.

Pour y parvenir, l’équipe a conçu un algorithme maison capable de suivre chaque individu détecté dans l’eau à l’aide d’un identifiant unique.

Ce système de suivi permet de déterminer précisément quand une personne disparaît sous la surface, et pour combien de temps. À chaque individu est associé un score de dangerosité, qui évolue dynamiquement en fonction de plusieurs critères : la distance par rapport au rivage, la durée d’immersion, et la fréquence des disparitions. Plus une personne s’éloigne ou reste sous l’eau longtemps, plus son score augmente.

Lorsque ce score dépasse un certain seuil critique, une alerte automatique est déclenchée : un signal sonore est émis pour prévenir les sauveteurs, tandis que l’interface affiche la localisation estimée de l’individu en danger.

Ce mécanisme permet de détecter des comportements anormaux sans avoir à observer en permanence l’écran, et d’intervenir rapidement, même dans les situations les plus complexes, comme une plage bondée ou une mer agitée.

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En haut : une personne est détectée avec un score faible (13), sans signe alarmant.
En bas : la même personne disparaît plus de 10 secondes. Le score atteint 77 et déclenche l’état « DANGER ».

Une cartographie 2D grâce à l’homographie

Pour faciliter l’intervention, Neptune projette les détections sur une carte 2D en vue du dessus de la plage.

Cette carte est générée en temps réel grâce à une méthode mathématique appelée homographie, à partir d’une caméra fixe.

Le système détecte automatiquement quatre points d’ancrage dans l’image (deux sur la plage, deux côté mer), sans intervention humaine. Cela permet de s’adapter aux marées montantes ou descendantes, à la météo et à l’angle de la caméra.

Chaque personne détectée est représentée par un point coloré (du vert au rouge selon le risque), avec une traînée indiquant sa trajectoire récente.

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Carte 2D homographique. Chaque point représente un individu détecté, couleur = niveau de danger. ID 10 atteint un score élevé (33), signalé en jaune.

Une approche centrée sur l’utilisateur

Neptune ne cherche pas à remplacer l’humain, mais à lui fournir une assistance discrète et efficace :

  • En situation normale, le sauveteur n’a pas besoin de regarder l’écran
  • Si un comportement anormal est détecté, une alerte sonore est déclenchée
  • Le sauveteur peut alors consulter la carte et intervenir rapidement

Et après

L’équipe envisage des tests en conditions réelles sur des plages surveillées. Des contacts sont en cours avec plusieurs communes côtières pour étudier la faisabilité de ces collaborations.

Ces expérimentations permettront :

  • d’évaluer la pertinence des alertes générées
  • d’observer l’intégration du système dans les pratiques existantes
  • de préparer un déploiement opérationnel

En parallèle, plusieurs axes d’amélioration sont en développement :

  • Le modèle D-FINE devrait être fine-tuné sur le dataset spécifique de Neptune, afin d’augmenter la précision du module NHD pour détecter les personnes partiellement immergées ou éloignées.
  • Le module NDD sera renforcé par une meilleure détection des phases d’immersion, une analyse plus fine des disparitions, et un suivi plus robuste.
  • À terme, l’équipe souhaite détecter des schémas comportementaux complexes comme le mouvement du bouchon, pour un score de dangerosité encore plus représentatif.

Objectif final : proposer un outil fiable, réactif et utile sur le terrain, au service de ceux qui veillent sur la sécurité des plages.